Interview du métropolite de Volokolamsk Hilarion au magazine russe « Ogoniok » au sujet du futur concile panorthodoxe

Interview du métropolite de Volokolamsk Hilarion au magazine russe « Ogoniok » au sujet du futur concile panorthodoxe

 

– Quel est l’ordre du jour du concile ?

– Tout au début, il avait été prévu d’y porter environ une centaine de sujets. Ensuite, au fur et à mesure de sa préparation, il a été décidé, pour le début, de restreindre l’ordre du jour – pas plus que dix thèmes – qui, d’une façon ou d’une autre, concernent toutes les Églises locales. La question de l’administration des communautés ecclésiales de la diaspora, c’est-à-dire se trouvant hors des limites des pays traditionnellement orthodoxes, revêt une grande importance. Par exemple, en Europe occidentale et sur le continent américain. Il fut également décidé de systématiser les règles ecclésiales au sujet du mariage et du Carême. La question du calendrier ecclésiastique qui a exacerbé la situation dans de nombreuses Églises locales après leur passage au nouveau style, a été également portée à l’ordre du jour du concile. Celui-ci est appelé à donner son appréciation sur les dialogues en cours des Églises orthodoxes avec l’hétérodoxie, définir les limites permises de ces contacts. Un thème avait été également porté à l’ordre du jour, qui était actuel pour les années 1960-1970, à savoir l’attitude de l’Église orthodoxe envers la discrimination raciale et d’autres phénomènes sociaux de cette époque. Aujourd’hui, ce thème est devenu suranné et il est indispensable de le reconsidérer. Toute une série de questions concerne la structure administrative de l’Église et son protocole. Notamment, les Églises orthodoxes doivent se déterminer quant au concept du statut autocéphale et autonome des Églises et à la question technique des diptyques, à savoir la liste des primats des Églises. Le concile est appelé, bien sûr, à répondre également aux nouveaux défis du monde contemporain, comme le culte de la consommation qui, dans son fondement est athée, et mène à la crise économique et écologique), la destruction systématique des fondements moraux de la famille, le nationalisme radical et l’extrémisme pseudo-religieux. Le concile ne peut pas non plus passer sous silence les nouvelles persécutions du christianisme qui se manifeste sous des formes différentes dans différentes régions du monde.

– Qui participera au concile, et comment seront choisis les délégués ?

– La question de la représentation des Églises orthodoxes a été débattue  lors de la rencontre des primats qui a eu lieu du 5 au 9 mars passés à Istanbul. On a pris la décision que chaque Église locale serait représentée par son primat et pas plus de 24 évêques. Les Églises, où il n’y a pas un tel nombre d’évêques, seront représentées par la totalité de leurs évêques avec, à leur tête, leur primat. La question de la liste des délégués des Églises locales sera décidée par chacune d’entre elle indépendamment.

 

– Le concile précédent a eu lieu avant le schisme entre l’Église orthodoxe et l’Église catholique. Les questions de l’union des orthodoxes et des catholiques, du rôle du pape de Rome dans le monde chrétien, seront-elles débattues ?

– Les tentatives de réunion des Églises après le schisme ont été entreprises lors du concile de Lyon en 1274 et du concile de Ferrare-Florence, de 1438 à 1445. Cependant, elles se sont révélées absolument ratées et n’ont fait qu’aggraver encore le schisme. Dans l’ordre du jour du concile panorthodoxe ne figure pas la question de la réunion des orthodoxes et des catholiques, d’autant plus qu’avec le temps une partie fort significative du monde chrétien occidental s’est détachée du catholicisme, formant les différents courants du protestantisme. Le problème de l’unité chrétienne n’est concerné, et ce indirectement, que dans le cadre de la question du dialogue des orthodoxes avec l’hétérodoxie. Or il est nécessaire de mentionner ici que de tels phénomènes observés ces derniers temps dans certaines communautés protestantes, comme la bénédiction des cohabitations de même sexe, ne rendent pas seulement impossible le dialogue des orthodoxes avec lesdites communautés, mais posent pour nous la question de leur appartenance au christianisme. Pour ce qui concerne le rôle du pape dans le christianisme, la tradition séculaire orthodoxe rejette unanimement la suprématie de l’évêque de Rome sur les chefs des autres Églises et sa juridiction sur tout l’univers. Dans tous les cas, cette question n’est pas incluse dans l’ordre du jour du concile panorthodoxe.

– Quel est le rôle de l’Église orthodoxe russe dans la préparation du concile ?

– Depuis le début même de la préparation du concile, en commençant par la conférence de Rhodes en 1961, l’Église orthodoxe russe s’est impliquée activement dans le processus de préparation. Notre Église est la seule qui a préparé des matériaux pour l’ensemble des cent thèmes de l’ordre du jour prévu initialement. Ensuite, les représentants du Patriarcat de Moscou n’ont pas manqué une seule session de la commission inter-orthodoxe préparatoire et conférence préconciliaire panorthodoxe, participant activement aux débats concernant toutes les questions, y apportant des propositions concrètes, bien élaborées et défendant des positions enracinées dans la tradition orthodoxe et l’expérience religieuse séculaire de l’Église.

– Quels intérêts l’Église orthodoxe russe défendra-t-elle à ce concile ?

– Le principal intérêt que défendra notre Église au concile sera la préservation de l’unité de l’Église et la pureté de la foi orthodoxe dans le cadre des réalités historiques contemporaines. Lors d’une discussion difficile à l’occasion de la dernière rencontre des primats, le patriarche de Moscou et de toute la Russie Cyrille a réussi à parvenir à la reconnaissance par tous les primats des Églises de la nécessité du principe de consensus lors de la prise des décisions, tant au niveau de la préparation préconciliaire que du concile lui-même. L’observation de ce principe de nos jours constitue la garantie fiable, fondamentale, de l’unité de l’orthodoxie, que doit manifester le concile panorthodoxe.

– Quels sont les objectifs du concile panorthodoxe? Pour quelle raison doivent se rassembler les hiérarques de toutes les Églises orthodoxes ?

– Il n’y a pas, dans l’Église orthodoxe, un centre administratif unique. Depuis les temps apostoliques, toutes les questions importantes ont été présentées à la discussion conciliaire ou, en s’exprimant dans la langue actuelle, à la discussion collégiale. Cela concerne les questions tant doctrinales que de discipline et d’administration ecclésiastique. Les questions concernant la vie interne de telle ou telle Église locale sont discutées dans le cadre de son propre concile, comme cela est le cas, par exemple, pour l’Église orthodoxe russe. Néanmoins, les questions sortant du cadre des Églises locales, doivent être examinées au concile constitué des représentants de toutes les Églises orthodoxes. Les décisions d’un tel concile font autorité dans toute l’Église.

– Pourquoi les conciles n’ont-ils pas été convoqués durant plus de 1000 ans?

– Les sept conciles œcuméniques, qui ont eu lieu du IVème au VIIIème siècle, ont formulé les dogmes de l’Église et ont formé son corpus canonique. Grâce à ces documents fondamentaux, l’Église a réalisé avec succès sa mission au cours de nombreux siècles. Au cours des treize siècles qui se sont écoulés depuis le VIIème concile œcuménique de 787, de nombreux conciles épiscopaux ont été convoqués, sur une échelle et une représentativité diverses. Mais pour des raisons objectives historiques, ils ne représentaient pas la plénitude de l’Église orthodoxe. Maintenant, il est question de la reprise des mécanismes conciliaire à un niveau panorthodoxe, appelés à répondre aux questions actuelles de la vie de l’orthodoxie.

– Pour quelle raison le concile n’a-t-il pas eu lieu dans les années soixante lorsqu’on commença à le préparer ? Qu’est-ce qui l’en empêchait?

– Dans le processus de préparation du concile, des différends assez sérieux se sont présentés dans les positions des Églises. Pour trouver un consensus à leur sujet – et c’est précisément ce principe qui a régi et continue de régir le processus préconciliaire – un long moment était nécessaire. Mais c’était même providentiel, vu que les années passées ont fait passer certains problèmes au second plan, tandis que des questions nouvelles et plus profondes sont apparues, auxquelles le futur concile panorthodoxe doit donner réponse.

Source: Patriarcat de Moscou, traduit du russe pour Orthodoxie.com