23 février 2012
— Monseigneur, il y a quelque temps s’est tenue une session du Saint Synode de l’Eglise orthodoxe d’Ukraine. Elle s’est tenue en dépit de votre interdiction. On affirme, que certains ont même mis en doute l’authenticité de votre lettre. Dans ces conditions, comment les fidèles doivent-ils considérer les décisions du Synode ?
— En effet, j’ai écrit que certaines questions liées à l’activité de l’église me préoccupaient. Que j’étais inquiet au sujet de l’avenir de l’église, qu’elle doit devenir une église qui conduit véritablement les gens au salut.
Il y a des problèmes concernant les structures de gouvernement de l’église. Des désaccords peuvent exister au sein de l’église parce qu’il s’agit de personnes vivantes. Mais l’église doit être au-dessus de cela.
Récemment un Concile de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine s’est réuni, au cours duquel ont été résolues des questions relatives aux relations entre l’église et l’Etat. Au cours de ce Concile, les évêques ont rendu compte de leur activité, de leur action. Le Concile s’est déroulé dans un esprit fraternel, bien que certains aient voulu le faire échouer. Mais le Concile s’est déroulé avec succès, grâce à Dieu. Même s’il peut y avoir des désaccords entre les évêques et même entre le primat de l’église et ses membres.
En ce qui concerne les derniers événements… Les divergences dans nos déclarations ne signifient pas qu’il y a un schisme. C’est la manifestation de la volonté de Dieu. Il ne s’agissait pas de dire que quelqu’un était en désaccord avec les actions de l’église, avec son idéologie. Je ne suis pas en opposition à l’église ou au Saint Synode. Je suis pour l’amélioration de la structure. Pour qu’il y ait plus de démocratie. Pour que l’église trouve des aspirations communes, un élan commun.
Il faut donner aux gens une réponse sérieuse au sujet de ce en quoi nous croyons et comment nous croyons.
— Le Saint Synode a démis votre secrétaire personnel l’archevêque Alexandre de sa fonction de chef du Département des relations extérieures de l’Eglise et l’a exclu du Synode. Au cours de la réunion, il lui a été reproché d’« opposer artificiellement le Saint Synode de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine à son primat, ce qui constitue une calomnie contre la raison conciliaire de l’Eglise et un blasphème contre l’Esprit Saint ».
— Blasphème contre l’Esprit Saint, c’est très sérieux. On ne peut pas jeter en l’air de pareilles phrases. Cela n’est pas défendable. On n’a pas le droit de plaisanter avec ce genre de choses.
Concernant le renvoi… C’est le Synode qui nomme. Le Synode a le droit de disposer de son sort dans l’intérêt de l’église.
Mon attitude personnelle envers cet homme n’a pas changé. Je le connais depuis longtemps. Il a accompli de nombreuses choses dignes d’éloge pour l’église malgré son jeune âge et je crois qu’il fera encore beaucoup. Il n’y pas de doutes au sujet de son honnêteté.
— Pourquoi est-ce qu’il n’y aucun de vos proches dans la commission qui s’occupera des modifications à apporter aux Statuts de l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine ?
— Il s’agissait d’un vote à bulletins secrets. La décision a été adoptée en tenant compte de la formation théologique, de l’autorité.
— Dans la mesure où l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine est dirigée aujourd’hui par des gens qui ne voient aucun sens à son autonomie, quel peut être son avenir proche ?
— L’avenir sera ce qu’il doit être, Dieu aidant. Selon nos péchés et nos mérites. ll dépendra aussi de ce que l’église saura ou non apporter des réponses aux question actuelles que lui pose la société. Il dépendra de la manière dont chacun d’entre nous, les croyants, va se comporter conformément à sa position, à sa vocation.
Pour ce qui est de l’autonomie. On parle beaucoup d’une possible autocéphalie, mais officiellement la question de la décision définitive n’a pas été posée. Cela ne veut pas dire que l’église interdit de parler de ce sujet.
La question de l’autocéphalie est surtout importante pour l’Ukraine de l’Ouest, où existent une histoire de l’église et une histoire nationale propres. Mais nous devons comprendre que cela entraînera de nouveaux problèmes, liés à la structure de gouvernement, à la répartition du pouvoir.
Les églises orthodoxes locales ont toutes eu un certain parcours. Nous avons le nôtre, nous aussi. Nous devons écouter l’opinion des gens. Le Seigneur soutient la justice et la vérité. Ici intervient notre foi, notre espérance chrétienne.
— Dans quelle mesure l’unification des confessions chrétiennes est possible ?
— Tout est possible, tout est entre les mains de Dieu. Je pense, que nous verrons avec le temps. Mais nous devons aborder cette question du point de vue de notre responsabilité de chrétiens : on ne peut changer l’église comme nous changeons nos institutions civiles. L’église a été érigée par le Seigneur et il la protège.
Réclamer aujourd’hui l’autocéphalie ou l’autonomie, étant donnée le mélange qui existe chez nous en Ukraine, est difficile, dangereux, et, à mon avis, au jour d’aujourd’hui, ce n’est pas non plus nécessaire.
(Сейчас добиваться автокефалии или автономии, учитывая ту смесь, которая есть у нас в Украине, трудно, опасно, я считаю, что на сегодня — и не нужно.)
— Est-ce qu’il y a un risque sérieux de voir l’Eglise Orthodoxe d’Ukraine se transformer d’une église assez autonome en une composante de fait de l’Eglise Orthodoxe de Russie ?
— Je ne pense pas qu’il y ait un risque très affirmé. Mais les orthodoxes doivent protéger leur foi, rester vigilants. Quant à l’église, elle est en mains sûres : elle est entre les mains de Dieu.
— En son temps, vous avez justifié la candidature du pére Paul [aujourd’hui métropolite], supérieur de la Laure des Cavernes de Kiev, au Conseil municipal de la ville de Kiev. Aujourd’hui vous ne croyez pas que l’église a fait une erreur en donnant son accord à cette candidature ?
— Ma position était que ce ne devait pas être l’affaire de l’église, que l’église ne devait pas prendre part à des événements civils, en particulier des événements tels que des élections. On doit redouter cela. On m’a critiqué à la réunion du Synode, on a dit que je ne voulais pas aider l’église. On m’a dit qu’il faut entretenir l’amitié avec le pouvoir, faire parti même du pouvoir, pour que l’église puisse parler depuis les tribunes de pouvoir au niveau local ou national.
A un moment, nous avons décidé dans le Synode que l’église devait rester à l’écart des affaires politiques. Mais il a fallu faire des concessions, parce que beaucoup estimaient qu’il fallait l’autoriser, que nous devions essayer. On l’a fait, et je pense que cela n’a pas donné grand-chose.
— On affirme que le patriarche Cyrille a mis en doute votre capacité à gouverner l’église. Vous avez eu connaissance des ces propos ?
— Cela n’a été publié nulle part officiellement, cela n’a été confirmé ni par les acteurs politiques, n par les acteurs ecclésiastiques. Il y a des gens qui s’intéressent aux intrigues, aux nouvelles liées à des intrigues.
— En son temps, Lubomyr Husar a volontairement quitté son poste de primat de l’Eglise Gréco-catholique d’Ukraine épargnant à son église les problèmes liés à sa succession. N’avez-vous pas considéré un tel scénario ? Est-ce qu’il y a des gens à qui vous pourriez remettre volontairement les rênes de l’église ?
— C’est une question qui n’est pas simple. Mais c’est la vie. Il y a bien sûr des gens dans l’église à qui on pourrait confier cela… Je pense qu’il se trouvera quelqu’un… Une sainte place ne reste pas vide.
— L’Eglise Orthodoxe d’Ukraine est-celle menacée de schisme ?
— Un schisme peut se produire. Il peut se produire, si quelqu’un le provoque. Mais il ne se produira pas sans la volonté de Dieu. Je crois fermement que le Seigneur sera notre défenseur. La vie de l’église à ses récifs cachés, elle nous donne parfois des occasions d’inquiétude. Mais je crois que le Seigneur est avec nous.
Dans quelques jours je m’apprête à m’adresser aux fidèles à l’occasion du début du carême pour leur parler de la signification du carême dans la vie des gens. Leur porter le message que Dieu n’abandonnera pas notre église.
Source: Zerkalo nedeli, 24 février 2012