« À la fin du mois de décembre 1994, une question simple et très pragmatique s’était posée à moi ainsi qu’à l’higoumène du metochion (« podvorié ») du monastère de Pskov-Petchersky (comme s’appelait alors notre monastère « Sretensky ») : comment, en cette première année de l’existence du monastère renaissant, passer la nuit du nouvel an ? Comment établir une tradition qui nous permettrait d’observer le carême, spirituel et corporel, et en même temps ne pas causer de peine à nos proches ? Je ne cache pas qu’un certain nombre de nos amis et de nos paroissiens, sans parler même de nos parents, nous avaient invité de tout leur cœur à partager cette fête avec eux et ne comprenaient pas nos explications et nos excuses. Il faut dire qu’au monastère Sretensky, nous n’avons jamais adopté une position rigide et intolérante. La nouvelle année est peut-être la seule fête familiale qui a subsisté aujourd’hui en Russie, lorsque toute la famille se rassemble et peut se ressentir effectivement comme une famille. Il y a très peu de tels événements dans la vie de l’homme contemporain, et il ne faut pas y mettre fin.
Toutefois, on peut graduellement s’efforcer de lui donner une dimension ecclésiale. Nous disons toujours à nos paroissiens que si leurs parents et leurs proches veulent fêter le nouvel an, il ne faut pas les priver de cette joie – étant entendu que le chrétien orthodoxe ne doit pas transgresser le carême – mais le devoir de celui-ci est aussi d’apporter, en cette fête, la lumière du Christ, la joie de l’attente de la Nativité du Christ. En conséquence, sur la base de tous ces problèmes et préoccupations, nous décidâmes de célébrer la sainte liturgie durant la nuit du nouvel an. Au début, nous supposions que seuls les moines assisteraient à l’office et, peut-être, quelques uns de nos paroissiens les plus assidus. Mais, à notre grande surprise, l’église était pleine…
Parmi nos paroissiens, il y a de nombreuses familles orthodoxes, et cela constitua une excellente occasion de résoudre cette question de la célébration du nouvel an, ce qui n’était pas facile pour eux. L’année suivante, il y eut encore plus de monde, et chaque année encore plus ! Ensuite, nous avons appris que cette pratique a été adoptée dans d’autres églises. Notre monastère se trouve dans le centre même de Moscou et, à minuit précises, le bruit des feux d’artifices et les explosions des pétards couvre la première ecténie. Nous acceptons cela avec calme. Personne, ni les moines, ni nos paroissiens ne condamnent ceux qui ne viennent pas à l’église à cette occasion. Dans la prédication qui précède la liturgie, nous disons chaque fois que nous prierons pour notre maisonnée et nos amis qui, chacun à leur façon, fêtent le nouvel an. De plus en plus, des membres de la famille et des amis non pratiquants de nos paroissiens, viennent à cette liturgie. Chaque fois, cet office nocturne produit sur eux une impression étonnamment profonde et forte. Nous célébrons en cette nuit un peu plus rapidement que d’habitude, afin que les fidèles puissent encore prendre le métro. La communion est distribuée de quatre ou cinq calices. La liturgie dure environ une heure et demie. Tous les moines, et même la plupart des paroissiens communient aux saints mystères du Christ. Il y eut dans le christianisme la pratique d’ecclésialiser les fêtes et les traditions païennes. Peut-être est-ce là, aujourd’hui, quelque chose de semblable ».
Source :
Pravoslavie.ru VIA
http://www.orthodoxie.com